lundi 14 avril 2014

La quatrième université de l’enseignement catholique d’Alsace


Le monde change, notre école aussi !


Patrick Wolff, directeur diocésain, avec le laboratoire pédagogique de l’enseignement catholique d’Alsace, ouvrait au séminaire de jeunes de Walbourg la quatrième université de printemps de l’enseignement catholique le 5 avril dernier. Deux jours de travail se sont organisés autour du thème : « le monde change, l’école aussi. » 

Le Progrès va plus vite que l’homme

Dominique Jung, rédacteur en chef des Dernières Nouvelles d’Alsace
Dominique Jung, rédacteur en chef des Dernières Nouvelles d’Alsace a planté le décors. «1969 : Armstrong marche sur la lune, 1967 : première greffe du cœur. Ces événements ont fait les grands titres des journaux. Aujourd’hui les innovations sont nombreuses, elles s’accélèrent, mais elles n’ont plus le même retentissement. Tout se mélange, comme si toutes ces innovations étaient un grand melting-pot… Le progrès va plus vite que l’homme. Il y a une peur de se faire distancer. C’est la différence entre le progrès et la vitesse d’accumulation du progrès qui fait peur. » Ces changements accélérés existent aussi au niveau des thèmes sociétaux. Seule les inégalités résistent au progrès. 


Et la famille, quelle famille !

Mme Céline Pétrovic, docteur en sciences de l'éducation fait parler les chiffres : «Il y a  entre la femme et l’homme, en moyenne un écart de 10 à 30% de salaire, pour la retraite l’écart se creuse à 40%. Les métiers les moins rémunérés sont occupés par des femmes. Seule 18% des dirigeants de société sont des femmes, pourtant à l’école, dans leurs études elle sont généralement plus performantes que les hommes.» Pour Mme Pétrovic, étudier le concept de genre à l’école est une nécessité. Par l’éducation on pourra sortir de ces inégalités. Il faut sortir des stéréotypes, mais du coup le genre peut prendre une dimension plus politique et alimente également le débat de, l’homosexualité, l’hétérosexualité, du mariage pour tous. 
Mme Marie Joëlle Wantz, éducatrice spécialisée, directrice de l’Escale Saint Vincent de Paul (1) est une autre invitée de la table ronde. Elle affirme que le monde change vite.  Mais « le prendre soin de l’autre, doit rester au centre des préoccupations sans être parasité par des débats de société mises en avant par tous ceux qui ont depuis longtemps nourri leurs besoins premiers. La où je travaille je ne mesure pas les inégalités entre homme et femme, mais bien entre ceux d’en haut et d’en bas.» 
Jean Paillot, avocat et président des AFC (Association des Familles Catholiques), est heureux de vivre aujourd’hui. Grâce aux deux grandes lois de 1965 et 1985 : le mari et l’épouse sont strictement égaux dans le droit de la famille. « C’était hier. Je me réjouis que nous puissions vivre dans un monde où il y a une pleine égalité entre l’homme et la femme qui est une égalité de nature. » Mais pour lui, « personne n’a inventé la famille. La famille est intrinsèquement liée à la nature des êtres humains. La famille a une triple finalité : lieu d’accueil de la vie. Lieu d’éducation des enfants. Lieu où vont se découvrir deux lois pour la société : l’amour et la solidarité. » La famille nucléaire est la cellule de base de l’Eglise et aussi de la société. Elle garde une grande fragilité. Il regrette qu’aucune étude sérieuse n’a été faite sur les conséquences du divorce. Sur cette question aussi un grand travail sociologique devrait se faire.
Dans le monde qui décide ? Les politiques ? L’économie ? Le Père Marc Feix enseignant à la faculté de théologie catholique, délégué diocésain aux affaires européennes, précise que la population française représente presque 1% de la population mondiale, l’union européenne au fil des élargissements a réussi à se maintenir à 6% de la population mondiale, l’union européenne veut garder ses 20% de la richesse mondiale.

Et qu’en est-il de la liberté ?

Après la table ronde qui a replacé les débats de société dans un contexte global, mondial, La question de la famille, de la liberté et des choix ont été revisités. 
Pour Céline Pétrovic, il est essentiel de garantir la liberté de chacun de faire tous les choix. Garantir la même chose aux hommes et aux femmes,  implique que la politique garantisse tous les choix possibles. 
Pour Jean Paillot la liberté véritable, « c’est celle qui nous conduit vers le bien ou vers un choix qui mène au bon.  Quand nous cherchons à agir librement c’est pour avancer vers un plus d’humanité… Il n’y a pas de liberté sans responsabilité. »

Et l’Enseignement catholique dans ces débats !



Le deuxième jour, Claude Berruer, adjoint du secrétaire général de l’Enseignement catholique, qui animait les débats a avancé sur la place de l’enseignement catholique face aux nouvelles questions de société. « Nous sommes d’abord une école, ouverte à tous. » Dans l’école publique on sépare les matières. L’enseignement religieux se fait à l’extérieur de l’école. Dans l’enseignement catholique on essaye de ne pas séparer. Dans l’anthropologie catholique, la personne humaine est une personne unifiée (corps et âme). Les questions sociétales sont à prendre compte dans nos écoles, mais attention, ne nous trompons pas de débat. La question du genre est à situer dans une problématique globale. Il faut éduquer pour construire de l’humain dans l’homme. L’école est le lieu qui aide l’enfant à sortir de la famille. L’école doit être un sanctuaire, mais ouvert. Dans l’école il faut parler du genre. N’isolons pas l’école de son environnement. Préparons nos jeunes à une culture de débat. La formation intellectuelle consolidée par la controverse, la disputatio, le dialogos permettra aux jeunes de faire des choix éclairés. Plutôt que de rester dans la théorie, pour Claude Berruer, il est primordial de privilégier le dialogue et la rencontre. A l’image du dialogue interreligieux, toute quête de vérité s’enrichi par la connaissance chez l’autre de « semences » et de « rayons » de la vérité. Et n’oublions pas cette citation de Pascal : « La vérité sans la charité est une idole ! » Il est souhaitable de s’interdire de juger à partir d’une norme. « Continuons à former nos jeunes aux sens critique. La formation du discernement dans un monde pluraliste est primordiale, afin de discerner le souhaitable, entre les possibles quotidiennement accrus. Il faut discerner le légal et le légitime, dans un cadre de droit repensant sauvegarde du bien commun et des droits individuels, discerner les enjeux éthiques des conquêtes scientifiques et de leurs applications technologiques. Son exposé se termine par une conviction de Saint Ignace. La vie c’est une collection de possibles, mais on ne peux pas s’y lancer sans réflexion. Il faut réfléchir à un choix dans la collection des possibles. On fait ensuite une élection. Pour choisir, on commence par dire non à ce qu’on ne choisi pas.

Patrick Wolff, avant de remercier intervenants et organisateurs, donnait sa conviction : «Notre enseignement catholique est audible quant il est humble et confessant. Disons « je » : je crois, je pense… ça laisse de la place à l’autre. 
Outillons-nous, renseignons-nous. Avant d’affirmer une vérité définitive, faisons un travail d’information sérieux et honnête pour nous forger une opinion. Soyons une école qui s’oblige à l’honnêteté intellectuelle comme à l’argumentation rationnelle, et encourageons la culture du débat. 

Ensuite, travaillons, là où nous sommes, à accueillir. Mais surtout, n’ayons pas peur. Dans un monde qui bouge, on ne peut pas être immobile, mais ne nous laissons pas agiter entre les uns et les autres. »

Jean THOMAS


 (1) L’escale Saint Vincent de Paul
C’est derrière la clinique Ste-Barbe de Strasbourg qu'est située l'Escale St-Vincent, un lieu d'accueil à taille humaine pour des personnes sans domicile et malades, un havre de sérénité et de repos pour se reconstruire et tenter un nouveau départ.
Dans la salle commune, la télévision distille les infos. Trudy démêle avec peine des pelotes de laine enchevêtrées dans une grande boîte servant de support à des séances de crochet ou de tricot. Bénévole depuis plus de cinq ans, cette dynamique  retraitée présente les résidents présents ce jour, un Arménien, un jeune Français et un Polonais. Tous sont logés temporairement à l'Escale St-Vincent, une structure «qui donne la possibilité à des personnes malades et sans domicile fixe de se soigner et aussi de se remettre debout » explique Marie-Noëlle Wantz, directrice de cette entité appartenant à la Fondation Vincent de Paul. « Ce sont les soeurs de la Charité, alors que soeur Denise Baumann était supérieure générale, qui ont eu l'idée d'une telle institution, en lien avec médecin du monde en 1994 » poursuit la directrice, responsable d'autres structures dédiées aux personnes en situation de précarité à l'intérieur de la Fondation. Au départ, trois lits sont ouverts dans un bâtiment situé à l'arrière de la Clinique Ste-Barbe. « Soeur Bernard-Joseph et le Dr Monsché avaient constitué un véritable réseau de religieuses et de laïcs qui permettait une permanence de l'Escale 24h sur 24, 7 jours sur 7 »
Christine Nonnenmacher

L’Ami Hebdo du 12 février 2012

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